Organisé par le Centre d’Études Juridiques et Politiques (CEJEP), sous la direction scientifique d’Isabelle Boucobza, professeure de droit public à l’Université de La Rochelle.
Le droit comparé semble accaparer aujourd’hui de plus en plus l’attention des juristes français, qu’ils soient universitaires ou opérateurs du système juridique. Des Masters de droit comparé s’ouvrent dans les Universités, des Centre de recherche se spécialisent dans cette discipline, des publications scientifiques marquées par le comparatisme se multiplient. La récente centralité du droit comparé contraste avec la relative indifférence qu’il suscitait il y a encore quelques années en France et qui le cantonnait à la périphérie des intérêts de la doctrine et de la pratique juridique. Ce déplacement vers le centre se présente-t-il comme un mouvement de fond ou comme un simple effet de mode ? Comment expliquer en France ce retournement de situation ? Surtout, quel droit comparé est au centre ? Celui des universitaires ou/et celui des praticiens ? Afin d’apporter des réponses à ces nombreuses interrogations, notre colloque va privilégier trois perspectives : celle des universitaires, celle des praticiens du droit, et celle de l’usage du droit comparé confronté aux enjeux politiques et juridiques de la construction européenne. Concernant les universitaires, il s’agit de montrer quels sont les usages et les méthodes de ceux qui font du droit comparé pour interroger la pluralité des visages du comparatisme juridique académique. La vision d’un droit comparé au service la consécration d’un droit commun n’est-elle pas aujourd’hui dominante par rapport à une vision plus strictement scientifique et donc non instrumentale du droit comparé ? Cela conduit également à observer ce que les méthodes des comparatistes peuvent partager avec d’autres disciplines et d’autres approches scientifiques juridiques et non juridiques. Du côté des praticiens, on remarquera qu’il n’est plus rare de trouver auprès des hautes juridictions françaises, comme c’est déjà le cas auprès de la plupart des hautes juridictions étrangères, un service spécialisé en droit comparé. Que nous apprend l’attention récente pour le droit comparé dans certaines juridictions françaises comme le Conseil d’Etat ? À l’étranger, les juges constitutionnels se sont emparés depuis longtemps de la démarche comparatiste. Qu’est-ce qui caractérise la méthodologie des praticiens par rapport à celle des professeurs de droit ? Dans un contexte de mondialisation où s’enchevêtrent les ordres normatifs, le droit comparé apparaît aux yeux de nombreux acteurs comme une réponse appropriée aux problématiques juridiques que soulève cette forme de pluralisme juridique. Ce préjugé favorable mérite d’être discuté. L’ensemble de ces questions se pose en particulier dans le cadre de la construction européenne où se trouvent souvent à la croisée des chemins les perspectives académiques et pratiques. Quels sont les usages et les méthodes du droit comparé qui sont à l’œuvre dans le cadre des projets de codification de règles européennes de procédure administrative ? La même interrogation est susceptible d’être soulevée concernant l’existence de principes ou de droits communs qui seraient issus d’un « patrimoine constitutionnel européen » ou de « traditions constitutionnelles communes » L’émergence de nouvelles disciplines comme le « droit administratif européen » ou le « droit constitutionnel européen » ainsi que l’affirmation du « droit européen des droits de l’homme » paraissent traversées par des perspectives comparées qui pourront être mises en évidence et questionnées.
Isabelle BOUCOBZA, professeure de droit public, Université de La Rochelle ; Charlotte GIRARD, maîtresse de conférences, Université Paris Ouest Nanterre ; Stéphane PINON, maître de conférences en droit public, Université de La Rochelle